Harmonicas et chiens fous

Marc Villard

Cohen & Cohen éditeurs

  • Conseillé par
    22 février 2015

    N'hésitez pas !

    Marc Villard est un orfèvre en matière de nouvelles. Il excelle aussi dans le domaine du roman noir, du polar. Il réunit ses deux dons -et je ne le limite pas seulement à ces deux-là, mais ici, ce sont ceux qui m'intéressent- dans ce recueil de dix histoires. Il met en scène des gens simples, des amateurs de rock, de blues. Il raconte une tranche de leur vie où tout peut arriver, le meilleur comme le pire, un rien peut faire basculer une vie du mauvais côté du fil du rasoir. Certaines histoires sont noires, sans espoir, d'autres en laissent un, même si on sait que les gens dont parle Marc Villard sont en rupture de la société et qu'il leur sera difficile de vivre dans la marge, parce que la société rejette ce qu'elle appelle les marginaux. Ils sont boxeurs, chanteurs, zonards ou en activité professionnelle, dans des soucis familiaux, des peines de cœur, des moments charnières de leur vie où le choix que chacun fait habituellement leur est confisqué pour cause d'événement, d'accident ou d'incident qui décideront pour eux.

    Leur vie se confronte parfois en une seule phrase au monde des autres : "Installés à une table du restaurant d'en face, un couple endimanché observe Brigitte se débattre dans l'ambulance et convient, pour finir, qu'ils regarderont en soirée La Ferme Célébrités."(p.53), et là, on s'identifie tout de suite à Brigitte plutôt qu'aux amateurs de débilités télévisuelles. Avec une économie de mots, Marc Villard va à l'essentiel, mais on cerne assez vite ses personnages dans leurs difficultés et leurs complexités. Ils sont amers, blasés, mélancoliques, non dénués d'humour -noir, évidemment- : "Elle sait plein de choses, Brigitte. Par exemple que les hommes quand ils vont mourir ont peur comme des petits enfants, que les psychanalystes se masturbent très rapidement, que la CIA a assassiné Stevie Ray Vaughan et Michael Jackson, qu'il faut toujours dire du mal des Américains, eux ils savent pourquoi." (p.52)

    Même si j'ai cité deux passages d'une même nouvelle, je ne peux en départager aucune, elles sont toutes très bien. Parfois dites "à chute", parfois non, elles montrent l'étendue du talent de Marc Villard dans ce domaine. Si vous n'aimez pas les nouvelles mais que vous voulez appréhender le genre avec un écrivain reconnu qui saura vous les faire apprécier, n'hésitez pas.